A. Heurs et malheurs de la
manufacture (1663-1686)
C'est en 1663 que
Joseph Lombard, Commissaire de la Marine à Bordeaux, mandaté par Colbert du Terron,
Intendant de la Marine à Rochefort et cousin du ministre, se rend à La Teste
(1). Il est accompagné de deux Suédois, Peter Ericson et son valet Hendrick
Joos, qui ont été recrutés pour enseigner aux gens du pays ce que ces
derniers savaient déjà faire :
produire du goudron .
Mais c'est une
autre technique, celle des Hourns de gaze qu'il enseigna sur une
parcelle appartenant au Sieur de Caupos (2).
C'est en effet
cette famille de Caupos, qui, en la personne de Jean, vicomte de Biscarrosse,
marié en 1664 à Isabeau de Baleste, de La Teste, est, au XVII° siècle, au
centre de la création de la Manufacture Royale de Goudron des Landes.
L'importance de cette famille transparaît dès 1635 dans cette protestation
des habitants de Gujan contre les
exonérations dont jouissent les Testerins bien que «tout le commerce des
Landes» se fasse en ce lieu (3).
Caupos y est nommément cité pour avoir «80 milliers de résine de
revenu soit, à
Il n’en reste pas
moins que cette famille a multiplié les acquisitions ou échanges en forêt de La
T este (4): 15 parcelles de 1532 à 1663,
date à laquelle le 2 septembre, Jean de Caupos devient vicomte de Biscarrosse ;
elle continue ses acquisitions jusqu'en
1693 : 5 parcelles. Parallèlement, en 1686, Jean-Marc de Caupos achète à Louis
de Bourbon les droits et biens de Parentis, Saint-Paul et Sainte-Eulalie,
autres paroisses «résineuses» où seront aussi construits des hourns de gaze.
Nous ne connaissons
pas le contrat qui liait ce «faiseur de goudron» sauf qu'en 1664 il
réclama 3 fromages de Hollande et une paire de souliers; par contre nous savons
ce que toucha son successeur Elias Alh, arrivé en août 1666 : il reçut une
pension de
A titre de
comparaison, la construction d'un bateau de 185 tonneaux, «La Ville de
Bordeaux », coûte en 1671,
Il faut croire
pourtant que cela ne lui suffisait pas
puisqu'en 1671, Alh, décrit comme «buveur de vin, d'eau-de-vie assaisonnée de poudre et fumeur de pipe»,
s'embarqua à Rochefort avec la caisse de la Compagnie,
Peter Ericson était mort à Linxe en octobre 1664 non sans avoir chez le
sieur du Coussou, grand-père des Desbiey, enseigné son art et construit un four
suédois (6) dont nous avons retrouvé la trace. Sa correspondance, en particulier
une lettre du 12 septembre 1664 (7), nous apprend qu'il a aussi construit un
four à Lacanau mais que la qualité des pins y étant médiocre, c'est surtout à
La Teste et à
Biscarrosse
qu'il à connu le succès puisqu'une dizaine de fours y sont alors installés et
produisent déjà, en exécution du contrat passé, au prix de 121ivres le baril de
C'est pourquoi
Caupos { sur les 80 fours recensés en 1672, il en possède la moitié) s'empresse de percevoir 11 sols
par baril porté dans ses propres magasins de La Teste. Le Captal tente {mais
il est empêché par l'Intendant Pellot), de percevoir 40 sols par baril,
exigeant de plus un millier de résine pour chaque emplacement de four. Si l'on
ajoute le prix du charroi de La Teste à Bordeaux (12 sols), et la difficulté de
trouver du gazon pour couvrir le feu, cela rendait l'entreprise aléatoire et,
comme le dit Ericson, le goudron plus cher que celui de Suède.
A cette époque
c’est Elias Alh qui surveille les opérations ; recruté en 1665, il avait
dirigé en Provence la Manufacture Royale de Vidauban avant d'être nommé
« Inspecteur des faiseurs de goudron » pour l'ensemble du royaume ;
Alh, après avoir séjourné à La Teste à partir de septembre 1666, alla
contrôler à Bayonne la production. L'intérêt de son séjour à La Teste réside
dans les observations qu'il fit le 20 novembre: il constate que les
goudronnières y sont de faible ou médiocre capacité et que leur nombre est
excessif, tandis que, dans d'autres correspondances, il signale la tendance à
faire brûler n'importe quel bois au détriment de la qualité, le goudron étant
ainsi trop cassant.
C'est
pourquoi, pour redresser la situation, en 1672, Lombard, sur les instances de
l'Intendant d'Aguesseau, envoie son fils en tournée d'inspection: il recense
alors 195 installations pouvant produire 3617 barils soit à peu près 420
tonnes. Sur ce total, les montagnes de La Teste et Biscarrosse représentent 28%
avec 80 fours, le secteur Pissos-Lipostey plus accessible par la route et par
la Leyre, 60%, le sud du Born et le secteur de Parentis, 12%.
A supposer que ces capacités de production
aient été atteintes (car le rapport ne fait pas de différences entre hourns
traditionnels et hourns de gaze alors que ce dernier type n’a pas été retrouvé
dans les forêts de La Teste et Biscarrosse),
cela n’aurait représenté que la moitié de la consommation française.
Cette carte a été établie par F.Loirette (Aux origines d’une vieille industie landaise : la Manufacture royale de goudrons des Landes) Elle représente les fours cités dans le rappord de Lombard et les capacités de production des différents massifs dont la superficie
semble empruntée à des époques plus récentes comme le montrent les cartes de M.de Clerville.
C'est pourquoi les
importations de goudron suédois continuèrent, d'autant plus qu'un traité
commercial du 30 décembre 1662 exemptait de taxes les bateaux nordiques tant à
Bordeaux qu'à La Rochelle, et que le prix du goudron suédois restait inférieur:
C'est ainsi que
Rochefort continua à recevoir du goudron suédois par l'intermédiaire de la
Compagnie du Nord. On sait qu'en 1671 Colbert du Terron déplorait l'arrivée de
690 barils. Il craignait que la Manufacture fût concurrencée. Il se félicita
l'année suivante, après la fuite d'Elias Alh, d'en recevoir 800 et, convaincu
des incertitudes de l'entreprise landaise, il en réclama 1.800 en 1683.
La production
augmenta cependant sensiblement à en croire les quantités stockées à Rochefort
: 450 barils en 1673, 590 en 1676, 1244 en 1682 (8), tandis qu'en 1690 de mai à
septembre 128 barils partirent d'Arcachon et 230 par Bordeaux qui, sur l'année,
en expédia 1417, soit 17 tonnes.
Cette activité
«manufacturière», bien que n'occupant que peu de monde (180 personnes en 1672),
procurait donc un complément de revenus d'autant qu'en vertu du Tarif de 1664
les goudrons étaient exemptés de droits d'entrée dans les provinces du royaume.
C'est dans ce contexte que le 16 septembre 1680, la veuve de Jean de Caupos,
dame Elisabeth de Baleste, confirma aux seuls propriétaires de parcelles de la
montagne usagère de Biscarrosse le «droit de faire gemme, résine et goudron,
chacun dans son fonds». Cette activité lucrative était donc réservée aux
seuls tenans-pins. Cette « montagne » n’était, à l’époque, que la
continuation de celle de La Teste ; elles ne furent séparées par l’avancée
des sables qu’à la fin du XVIII° siècle. Il est d'ailleurs étonnant de constater
que la mention des goudrons ne soit jamais apparue dans les transactions
concernant la Montagne usagère de La Teste dont les tenans-pins avaient été
reconnus beaucoup plus tôt, dès 1604. Cela devait aller de soi parce que seul
le pin mort servait à fabriquer le goudron; le pin vif était usager et cela devait
être un frein sérieux aux efforts de développement.
2 : les besoins de la marine
Jusque vers
1686, les besoins de la guerre et de la marine avaient stimulé la production
puisque de 18 vaisseaux et 6 galères en 1661, la flotte comptait en 1670, 120
vaisseaux et 35 frégates sur l'Atlantique plus une trentaine de galères en
Méditerranée et s'élevait en 1683 à plus de 250 bâtiments compte tenu des
flottes auxiliaires de corsaires (9).
Détail d’un tableau de Lacour représentant le
port de Bordeaux au XVIII° siècle (Musée des arts décoratifs, Bordeaux)
A gauche,
un calfat en train de mettre l’étoupe entre les planches, à droite la chaudière
dans laquelle on réchauffe la poix.
On employait en
effet énormément de produits résineux dans les arsenaux : en 1687, pour
radouber Le Superbe, vaisseau de 1300 tonneaux, on consomma à Rochefort 50
barils de bray, 26 de goudron, 5 milliers de brai sec,
Pour
l'armement des bateaux neufs, on consommait :
goudron brai
- vaisseaux
de 1er rang (1400 à 2000 tonneaux, 3 ponts) 55qx 90qx
- vaisseaux
de 3ème rang (800 à 900 tonneaux2 ponts)
37qx 64qx
- frégates
légères (200 tonneaux) 24qx 35qx
Le brai sec était employé pour le
carénage, le goudron pour les cordages (il fallait 6.800 milliers de cordage
pour un vaisseau de 74 canons), le bray gras pour le calfatage. Sans compter
les produits embarqués qui serviraient pendant la navigation
brai goudron
- vaisseau de 1 er rang ................................. 8
quintaux 12 barils
- vaisseau moyen ......................................... 6
qx 8 barils
- frégate ..................................................... 4 barils
- flûte ........................................................ 2
qx 3 barils
-brûlot ....................................................... 2 barils
auxquels
étaient joints une chaudière, un pot à brai et de l'étoupe (10).
C'est pourquoi il
était indispensable d'alimenter en goudron les arsenaux de Brest, Rochefort et
Toulon et de développer les Manufactures Royales d’autant que la Suède,
principal fournisseur, passa de 1668 à 1672 dans le camp anglo-hollandais,
avant de renouer ensuite avec la France, puis de se lancer jusqu'en 1679 dans
une guerre contre le Brandebourg. Cette période, à cause du bouleversement des
trafics habituels et des nécessités de la construction navale avait donc vu,
sous l'effet d'une politique volontariste, menée par Colbert, prospérer la
Manufacture. Mais cette époque était révolue.
La carte
dressée par Monsieur de Clerville en 1677 , dresse un état des forêts à la fin
du XVII° siècle. Il confirme ce que les textes nous ont appris, à savoir la
faiblesse des forêts en Médoc, Buch et Born où seules sont importantes les
forêts sur dunes anciennes (à l’ouest des étangs) derniers vestiges de l’ancien
massif forestier côtier submergé de plus en plus par la poussée des dunes
barkhanoïdes de sables blancs (les semis systématiques des dunes ne
commenceront qu’en en 1787 à La Teste de Buch), tandis qu’à l’est domine la
lande. Elles nous confirme aussi l’importance des forêts du Marensin où les
étendues de landes sont plus réduites.
Quant aux
fours à goudron leur localisation nous indique que seule la forêt de La
Teste-Biscarrosse comporte encore des
fours en activité ; en Marensin, ils sont très rares (mais celui de Linxe
fonctionne encore), ce qui voudrait dire que la production s’y est développée
plus tard, comme nous le verrons, tandis qu’en Médoc , il n’y en a pas, ce qui
correspond aux dires des brûleurs de goudron suédois
Cela est
confirmé en 1686 par le mémoire du sieur Martin (11) qui nous apprend en effet
que, dès 1680, sur les 195 fours initiaux, il n'en restait que 52 en fonction,
écoulant à chaque cuite 830 barils (207 tonnes) et qu'en 1686 les fours sont
pour la plupart détruits et on n'en trouve qu'un ou deux dans la région
de Pissos qui, dit-il, «brûlent de temps en temps». Cela pourrait
expliquer le vide archéologique que nous avons constaté en pays de Buch pour le
XVII° siècle en ce qui concerne les fours suédois, la destruction des fours
permettant souvent le réemploi des matériaux comme fondations des cabanes
construites ultérieurement, fait que nous avons constaté plusieurs fois.
Cela pourrait
expliquer aussi la médiocrité des expéditions de goudron par Bordeaux qui a été
soulignée par Ch. Huetz de Lemps pour la période 1698-1699 : 462 barils
exportés contre 842 barils et 6 tonneaux importés (12) . Mais ces chiffres ne
concernent pas les caboteurs testerins qui ne « montent » jamais à
Bordeaux, comme l'a si bien souligné le Professeur Bernard (13).Cette
situation catastrophique était d'abord due selon Martin à
-des raisons
commerciales :
L'attitude des négociants bordelais préférant,
pour sauvegarder leurs intérêts et leurs liens avec des négociants étrangers,
hollandais surtout, vendre à perte du goudron importé pour casser la
concurrence.
-Le prix des goudrons étrangers du Nord qui «lorsque la mer est libre
reviennent à 7 ou
-La qualité des goudrons.
La qualité des goudrons locaux est souvent incriminée: outre le fait que
les goudrons de Buch «durcissent l'hiver parce que les arbres sont trop
gommeux», ce que Lombard avait déjà signalé, c'est le peu de soin apporté à
la fabrication et la fraude sur les poids qui sont soulignés. Les paysans sont
accusés de mêler à leur goudron de la bouse de vache, de ne prendre aucun soin
pour le bray gras qui, utilisé pour les coutures, est trop sec ou trop liquide,
sans consistance, si bien que l'eau pénètre les cales des navires ou «qu'il
prend aux pieds» lorsqu'on marche dessus; tout ceci étant dû au mauvais
choix des bois, à l'introduction dans les fours de produits interdits
{écorces, croûtes de pins, galips...), au fait enfin que le gazon étant trop «sablonneux»,
le sable se mêlait au goudron.
Le 10
septembre
C'est devenu un vrai fléau au XVIII° siècle
car, en 1760 encore, le Contrôleur Général Bertin écrit à Tourny qu'il faut
surveiller le Marensin et le marché de
Dax car le bray gras est fabriqué «avec des matières dont on a extrait
l'huile de térébenthine et dans lesquelles on laisse souvent des terres et des
sables pour les faire peser plus lourd» (16 bis). En 1776 (17) les
négociants de Bayonne semblent exclure les goudrons des fraudes qu'ils
dénoncent; tout cela prouve que l'ordonnance de l'Intendant d'Aguesseau (18) de
1672 n'a pas été respectée malgré la précision des consignes données. Notons
d'ailleurs qu'après la Révolution la «vertu» n'est toujours pas de
rigueur puisque le 17 septembre 1807 1e
maire de La Teste (19) augmente les tarifs du bureau de pesage à cause «d'abus
dans la fabrication» et menace de saisie les «résines ou brais reconnus
fraudés de sable ou autre terre ultérieurement».
Le sieur Martin se
plaint aussi de ce que la pénurie de tonneliers dans les zones de production oblige à se fournir à
Bordeaux ou à Dax, ce qui augmente le prix. Enfin il expose la nécessité
d'établir des fours dans le comté de Belhade, en Marensin et dans le Pays de
Born, plutôt que dans les montagnes côtières où les arbres sont trop couverts
de «gemme grasse laquelle s'esqualite avec le goudron».
En 1700 (20)
d'ailleurs, sortent déjà du port de Bayonne 2000 barils de bray gras et 3000 de goudron soit 1.250
tonnes en tout, preuve que la production s'est, après 1688, développée dans le
sud, Bordeaux pendant la même période (1699-1700} n'expédiant que 201 barils de
goudron soit 25 tonnes (21). Cela est confirmé par un texte de 1707 (22) qui
signale en Marensin «12 à 15 parois ses qui ne font pas un grain de résine
et n'emploient leurs pins qu'à faire du brai
sec ou du bray gras ainsi que du goudron quand ils deviennent vieux»
(par «résine» il faut entendre ici le galipot).
4 : l’évolution des zones de production
Il est d'ailleurs normal
que la production se développe dans le sud, ne serait-ce que pour entretenir les bateaux de Bayonne et de
Saint-Jean-de-Luz où de 1683 à 1686 étaient recensés (23) :
- Bayonne 35 vaisseaux de 50 à 360 tonneaux
8 barques de 20 à 40 tonneaux
9 pinasses de 10 à 25 tonneaux
- Saint-Jean-de-Luz
26 vaisseaux de 60 à 300 tonneaux
25 barques de 20 à 50 tonneaux
22 pinasses
A ces
bâtiments il faut ajouter les bateaux des autres ports, l'ensemble des
armements morutiers et les flottilles fluviales de l' Adour .
Il n'empêche
que, même dans le sud, la collecte du goudron connaît des difficultés, en
particulier la concurrence des forges qui consomment beaucoup de forêts et la
modicité des prix fixés par les adjudications royales:
Le résultat de
toutes ces imperfections relevées par le sieur Martin dès 1686 est que, dit-il,
« les magasins du Roi ont cessé de prendre de ces goudrons». Il réclame
donc un monopole de fabrication, une exemption de tous droits, des prix fixes,
une taxe sur les produits bruts qui partent en Hollande, revenant raffinés de
ce pays et surtout l'interdiction «à tous particuliers d'aller dans les
pièces de pin qui ne leur appartiennent pas pour y prendre des arbres secs et
caducs car ils sont les plus propres à faire du goudron et détériorer les
forêts en coupant les pins verts». Il s'agit là, pour des raisons
économiques déjà, pourrait-on dire, physiocratiques, d'une condamnation des
droits d'usage, preuve supplémentaire que, dans les montagnes côtières, celles
de La Teste et Biscarrosse au moins, ces droits étaient le principal obstacle à
la production des goudrons.
D'ailleurs
pour les propriétaires, le goudron ne semble pas un produit très rémunérateur.
S'ils utilisent parfois l'argument de cette production lorsqu'ils veulent
attirer l'attention des autorités sur l'importance stratégique du massif, celle
attitude semble plus politique qu'économique. C'est ainsi qu'en 1751 (25), ils
protestent contre les fermiers, résiniers et autres habitants qui font, dans la
forêt de La Teste, et malgré une interdiction datant de 1718, des «fenêtres» de
Cependant,
lorsqu'en 1777 (26) Nicolas Taffard (ou son père signataire de la précédente
supplique) passe contrat de fermage avec Bernard Dessans dit Bernachot,
résinier des pièces de Péchious et du Pétoulet, il exige « 7 milliers de
résine bonne, belle et de satisfaction prise au four chaque année » mais
précise que Daisson « pourra disposer des brays et terbantines qu'il fera venir ». Le bray
gras (ou poix ou pègle) était donc une production épisodique et résiduelle, sinon
le propriétaire l'aurait réservée pour lui.
Colbert de
Seignelay, fils de Jean-Baptiste, secrétaire d'Etat à la Marine depuis 1682,
n'ayant pas retenu les solutions du sieur Martin, la Manufacture continua à
décliner .
B/ PRODUCTION et MARCHÉ des GOUDRONS
AU XVlll° SIÈCLE
Les goudrons sont
considérés comme des « munitions navales » aussi l’évolution de la
politique internationale pèse-t-elle sur le marché. Ainsi en 1703, les Suédois
puis les Danois obtinrent une exonération des droits sur les goudrons (27) qui
se montaient à 50 sous par tonneaux (28) ; cette dispense fut confirmée par les
Traités d'Utrecht de 1713 grâce auxquels l'Angleterre retrouva, pour sa part,
les conditions de « nation la plus amie ».
Il est donc certain
qu'à l'aube du XVIII° siècle, la conjoncture internationale a eu raison de la
Manufacture Royale. D'ailleurs les brays et goudrons sont d'autant plus soumis
aux aléas de la politique extérieure qu'ils font partie des «munitions navales»
et qu'en temps de guerre leur commerce est à ce titre réglementé : il ne faut
pas que l'adversaire puisse caréner ses vaisseaux de guerre avec la production
nationale et il faut donc veiller à ce que les négociants ne tournent pas les règles en envoyant
goudrons et brays gras vers des ports neutres d'où ils seraient réexportés vers
les belligérants. C'est ainsi que de 1701 à 1713, pendant la Guerre de
Succession d'Espagne, de 1741 à 1748, guerre de Succession d'Autriche, de 1756
à 1763, Guerre de Sept Ans, et de 1779 à 1782, guerre d'Amérique, on interdit
les exportations sauf celles destinées à nos alliés.
Les pays visés sont
toujours l'Angleterre; souvent la Hollande qui d'ailleurs s'approvisionne
essentiellement à partir de 1730 dans les 13 colonies d'Amérique, année au
cours de laquelle Bordeaux exporte environ 10.000 quintaux de bray gras vendu
7/10 livres le quintal (29).
En temps de paix,
les exportations reprennent donc; c'est ainsi que d'après les chiffres donnés par
M. Huetz de Lemps, seraient partis vers l'Angleterre entre 1717 et 1720, 6,8
tonnes de goudron et 2,5 de bray, tandis que les Isles Françaises d'Amérique recevaient 168 tonnes
de chaque.
A ces exportations,
il faut ajouter les départs normaux vers les ports français qui ont dû
augmenter par rapport aux campagnes précédentes; ainsi en ne gardant des
chiffres donnés que les ventes en barriques, barils et quintaux (car les
ventes en pains sont plus difficiles à cerner quant aux produits concernés), on
obtient les tonnages approximatifs suivants au départ de Bordeaux (exprimés en tonnes).
campagnes
de 1698/99 1699/1700
1702/1703 1707/1708 1709/10 1714/15 1715/16 goudrons*
57 37 5 13,5 28
98 116 bray gras*
26 25 172 37,5 38 28 37 A noter qu'en 1699/1100, les Testerins firent 44.sorties directes vers Redon. |
Par contre, ces produits étant très utiles,
les importations sont autorisées; c'est pourquoi les archives administratives
sont alors fertiles en documents qui permettent de localiser les sources
d'approvisionnement étrangères : entre 1709 et 1715 on note ainsi une arrivée,
sur un bateau danois, de goudron norvégien expédié de Bergen à Nantes (2 mars
1709), une demande pour en importer d'Ecosse vers Rouen (26 septembre 1711 ),
une arrivée en provenance de la Caroline en Amérique; cependant, les relevés
dépouillés pour les années 1714-15-16-17-18 et 1720 (30) montrent qu'entrent à
Bordeaux 1338 barils de goudron et 246 de bray en provenance de Stockholm
(Suède), Trondheim (Norvège), Amsterdam (Pays-Bas), Sligo (Irlande) et Pasajes
(Espagne) et cela malgré l'interdiction d'importer prise en 1717 à cause de
l'abondance des produits locaux (31) liée, on le verra, à l'incendie de la
forêt de La Teste.
2 :
Les exportations
Cependant la
production est variable, cela apparaît encore de façon assez nette dans une
statistique des droits de douane perçus à la sortie du port de La Teste (32) :
une taxe de 25 sols par millier pour les résines, brais et goudrons plus une
taxe de 3 sols pour livre pour la ville de Bordeaux. Si ce compte ne permet pas
de distinguer la part des brays et goudrons,
puisqu'il concerne l'ensemble des résineux, il montre cependant, les
oscillations de l'approvisionnement et l'on retrouve, là encore, les aléas de
la conjoncture.
Les
exportations qui sont en moyenne de 860 tonnes entre 1740 et 1746 (Guerre de
Succession d'Autriche) passent à 1370 tonnes de 1747 à 1753 pour bondir à 2100
tonnes entre 1754 et 1757. Elles redescendent alors à 1100 jusqu'en 1762
(Guerre de Sept Ans), oscillent ensuite entre 2500 tonnes, en 1763, et 1098 en
1771, puis se stabilisent enfin autour de 1600 tonnes par an entre 1775 et 1780
pendant la Guerre d'Amérique qui stimule de nouveau le commerce car il faut
non seulement fournir à la construction navale bordelaise mais aussi aux
corderies. Il y a par exemple à Tonneins en 1789 (33) 600 ateliers de chanvre
qui expédient vers Bordeaux, où se trouvent 24 corderies (34), 80% de leur
production soit 12.000 quintaux par an. Autre preuve de cette augmentation de
la demande, le prix du goudron qui était de
Cette
augmentation du commerce pendant la Guerre d'Amérique a laissé des souvenirs
puisque, dix ans plus tard, le 1° Frimaire an III, les édiles testerins notent
«qu'un bâtiment américain vient d'entrer dans le port et veut un chargement
considérable de brai et de résine soi-disant pour un port de la Manche
française» et ils ajoutent: «On craint que cette opération soit
défavorable à la République: pendant la dernière guerre, l'Angleterre tirait de
ce port une quantité immense de toutes espèces de gommes résineuses par
l'entremise de bâtiments neutres qui prenaient des expéditions simulées» !
Quant aux
prix, ils sont prix sont souvent influencés par les brusques augmentations des
demandes émanant des négociants qui se disputent les produits et contrôlent
souvent la production comme c'est le cas des marchands bordelais à Pissos en
1743 (36). A cause du grand froid de
1775 qui en Maremne et Marensin a fait chuter la production de résineux d'un
tiers et après l'épizootie qui, frappant le bétail, a augmenté le prix du
charroi, a lieu une enquête diligentée de Paris sur le négociant Dumeau (37)
Pour les seuls mois de mars et avri1 a expédié vers l'Angleterre 132 tonnes au
départ de Bordeaux et 295 à celui de La Teste, faisant ainsi flamber les prix
au grand dommage d'autres négociants bordelais. Comme Brun (38), ils protestent
contre le monopole de fait qu'ont déjà La Teste et Bayonne pour la fourniture
des arsenaux et des côtes atlantiques et réclament pour Bordeaux qui ne
commercialise que 8% des exportations, le monopole de celles-ci pour l'étranger
ce que Paris refuse.
D'autre part,
si l'on regarde le principal débouché, à savoir la construction navale bordelaise
(39), on constate que si 475 navires ont été construits de 1754 (3.500
tonneaux) à 1782 (16.000 tonneaux) , l'activité a été très irrégulière avec des
baisses en 1753, 1762, 1770, 1774 et 1778 (sept bateaux seulement cette année
là) et des hausses en 1763 (22 bateaux), 1772 et 1776, la Guerre d'Amérique
donnant entre 1778 et 1785 un coup de fouet à cette activité avec 115 bateaux
en 5 ans.
Il est aussi
intéressant d'étudier la construction navale propre aux chantiers du Bassin
d'Arcachon et surtout de La Teste. Le dépouillement des registres pour les
périodes 1725-1737, 1750-1759, 1764-1775, 1776-1787 et 17851797 nous a donné
des résultats que nous pouvons considérer comme fiables surtout à partir de
1764 (40). Les bâtiments construits et immatriculés à La Teste sont :
-des chaloupes
de 4 à 6 tonneaux (même si l'on en trouve 2 de 8 tonneaux et 2 de 10 tonneaux
dans les années 1759-1763) ; il est intéressant de noter que la construction des chaloupes de 4
tonneaux s'est arrêtée pratiquement en 1729 (une seule en 1741) et qu'à partir
de 1742 1a norme est de 6 tonneaux.
- des barques
et des chasse-marées de jauge variable, entre 10 et 15 tonneaux ; on n'en
construit pas de plus de 25 tonneaux avant 1737.
Quant aux
unités plus importantes on en trouve une de 72 tonneaux en 1772 mais il faut
attendre 1750 pour voir apparaître des bateaux jaugeant plus de 40 tonneaux.
Ils ne dépassent pas les 80 tonneaux, hors le CaptaI de Buch (400 tonneaux), construit en 1783 mais qui ne fut pas immatriculé à La Teste.
Le tableau
ci-dessous donne le détail des constructions :
On constate donc une forte proportion de petits bâtiments, chaloupes (dont certaines sont parfois ré accastillées
en chasse marée) non pontées (bien
qu'une chaloupe pontée de 8 tonneaux, la Providence, soit, sans doute,
en 1763 la première de l'histoire du Bassin). Des bâtiments de taille moyenne
donc auxquels il faut ajouter 5 bricks,
un chasse-marée de 35 tonneaux (1783) et une barque de 72 tonneaux (1772).
On constate aussi que sur ces 74 années où furent construits 198 bâti ments, 20 années se passent sans aucune
construction, 23 avec une seule et que 1760 et
1763 connurent 10 lancements. La moyenne des 20 années restantes s'établit à 6
par an, ce qui est peu pour occuper, à la seule construction navale, les assez
nombreux charpentiers et calfats, cordiers et tonneliers qui utilisaient goudrons et brays et dont voici la
répartition :
Il faut dire
que les bateaux testerins avaient une durée de vie très longue, qu'ils étaient
à la pêche quand ils ne cabotaient plus, que le cabotage occasionnait parfois
2 à 3 voyages par an. L'entretien de ces flottilles était donc important
d'autant qu'il faut y ajouter les bateaux non immatriculés et, si la tradition
existait déjà, le traitement des cabanes et de tous les édifices en bois des
paroisses riveraines. Rostan signale en 1725 (41) 800 pinasses construites à
clin qui servaient à la pêche à l'intérieur du Bassin et qu'il fallait aussi
brayer. Au total dans le quartier de la Teste il y avait 13 barques de 12 à 20
tonneaux, 13 chaloupes pour la pêche en mer, et donc 800 pinasses. Accrue par
l'incendie de 1716, la production locale devait alors trouver assez de
débouchés entre le Bassin et Bordeaux.
4 : Les freins naturels
à la production
les aléas climatiques
A la guerre s'ajoutent aussi les conditions
climatiques de cette fin de siècle: après les grandes mortalités de pins de
1693-1694, le début du XVIII° siècle est marqué par des périodes de froid
intense comme le «grand hyver» de 1708-1709 au cours duquel le gel sévit dans
les bois, ce qui, à cause de leur rareté, fait automatiquement monter le prix
des produits résineux issus du pin vif tandis que baisse celui du goudron (42),
car l'arbre gelé est alors débité pour en fabriquer. Il est d'ailleurs envisagé
d'interdire l'exportation des «résines» mais le ministre Pontchartrain précise «qu'il
vaut mieux laisser les choses en l'état pour ne pas dégoûter les particuliers
de ressemer les pins» (43).
Il y a donc pendant
cette période tout un jeu subtil d'interdictions et d'autorisations selon la
rareté ou l'abondance des produits et donc les fluctuations des prix: rareté en
1706 et importations autorisées de Hollande et d'Allemagne, demandes
d'autorisation d'exporter les surplus en 1714, auquel on répond que cela dépend
des besoins du Roi pour ses propres vaisseaux; chute des cours en 1717 avec
interdiction d'importer mais autorisation d'exporter à cause d'une abondance de
produits. Ces calamités se répètent tout au long du siècle et frappent tout le
massif forestier: en 1775 une enquête menée en Marensin signale que le froid a
provoqué une mortalité et un retard de croissance des pins ainsi qu'une hausse
de 30 à 40 sols par quintal, due à la rareté, sur le marché de Dax (44), On peut d'ailleurs ajouter à ces froids
exceptionnels les ouragans. Au début du XIX °siècle en 1802 (45) puis en 1822 (46), ils frappent la forêt de La Teste avec
une telle violence que, disent en 1822 les élus, il faut une réduction d'impôts
car «les propriétaires ont dû abandonner aux fermiers, pour en faire du
goudron, les arbres abattus en nombre infini».
A ces
calamités naturelles, il faut ajouter les incendies et en particulier un
événement considérable, qui explique la chute des cours en
L'afflux des
bois brûlés sur le marché est confirmé par les propriétaires dans une lettre du
6 mai 1752 (49) ; il a provoqué une
augmentation de la production de goudron car les brûlés revenant aux
propriétaires ayant-pins et non aux usagers, il n'y avait pas d'autre moyen,
pour en tirer profit, que de les convertir en goudron et donc de remettre en
route, voire de construire des installations.
Cet incendie
eut une autre conséquence: une ordonnance du 22 février 1718 (50) interdit de
faire du goudron dans la Montagne de La Teste. C'était une protection contre
d'autres incendies mais aussi le souci d'économiser, une fois les brûlés
évacués, ce qui restait de pins vifs afin que la régénération puisse se faire.
On y interdisait aussi le pacage des chèvres afin de sauver les repousses, ce
qui fut d'ailleurs étendu le 4 juin (51) aux autres bêtes à cornes qui avaient
l'habitude de pacager librement dans la forêt. Quand la forêt aura été régénérée,
le parcours reprendra mais en privilégiant les «montagnes de sable qui sont
le bord de la mer... et surtout les petits vallons herbeux qui sont dans ces
montagnes» (52).
Ce cataclysme
freina sérieusement la possibilité de produire des goudrons, poix, pègles et
brays gras en forêt de La Teste, et donc contribua pour une large part à la
nouvelle répartition des zones de production: en 1745, trente ans plus tard,
une lettre du syndic Baleste (53) nous
apprend que «depuis l'incendie la majeure partie des ouvriers fabriquant la
résine et le goudron furent forcés de chercher ailleurs leur vie».
Cependant si l'on en croit un rapport des propriétaires de 1752 (54) , la forêt
produit encore 1.500 milliers, soit 7.500 tonnes sur une superficie qui,
d'après nos calculs, doit être alors de
Les incendies
étaient fréquents aussi dans le reste du massif landais; en témoignent les
réductions accordées, pour cette raison, sur le montant des tailles en 1758 à
Salles, au Haut-Vignac et à Sallebert dans le Comté d'Uza, à Pontenx, Surgenx,
Capas, Etdegouïn dans la circonscription de Saint-Paul (55). En témoigne aussi
le 4 août 1780 la déclaration de Nicolas Dupré de Saint-Maur (56), Intendant de
la Généralité de Bordeaux qui, rappelant les termes de l'ordonnance royale du
13 novembre 1714 et les peines encourues par les incendiaires accidentels
(fouet-galère) ou volontaires (peine de mort), précise que «les goudrons
pourront continuer à être exploités dans les lieux où ils sont établis depuis
longtemps sans réclamations» et que pour les nouvelles installations il faudra
une délibération de la paroisse et une autorisation de l'Intendance. Notons au
passage la permanence et la continuité de l'Administration à travers les
régimes politiques puisque cela deviendra une loi en 1810 (57) .
Malgré les
catastrophes, malgré l'échec de la Manufacture, l'élan avait été donné: on nota
même en 1669 le départ de 4 Testerins de la Montagne d'Arcachon vers le Canada
(58), au Québec, pour y enseigner les habitants à faire du goudron; mais c'est
vers le Sud et vers l'Intérieur que désormais les goudronnières se développaient comme le
confirme dès 1708 le géographe Masse
(59) qui note que les habitants de Lugos sont presque tous dans les
bois et font de la résine, des brays et
des goudrons, et en 1725 1e commissaire Rostan (60) lequel signale que «depuis
l'incendie les marchands de La Teste vont
acheter les résines dans les landes de Bayonne».
On essaya même
d'enseigner aux montagnards pyrénéens la fabrication de goudrons à partir de
sapins dès 1691 (61) .
L'avancée des sables
Il y a en
effet un autre phénomène qui se développe dans les montagnes côtières, c'est
l'avancée des sables. A Biscarrosse déjà des fours ont été recouverts. Ainsi en
1862 des géomètres (62) en découvriront, enfouis sous le sable, au lieu-dit
bien nommé le hournail sur des parcelles achetées entre 1636 et 1673. Au
Pilat, c'est sous la dune récente que nous avons retrouvé nos hourns
traditionnels.
Tout au long
du XVIII° siècle, des plaintes s'élèvent contre l'avancée des sables : Masse la
signale en 1708 à Lacanau (63), forêt de
XVII° et tout
le XVIII° siècles, les forêts côtières ont-elles été grignotées. Faut-il
rappeler que ce n'est qu'en 1787 que sera entreprise, après de multiples
tentatives (69), la fixation générale de ces sables blancs, qui ont petit à
petit recouvert des forêts qui, selon Masse, s'étendaient encore de façon
continue en 1723 d'Arcachon au Boucau et même à la rivière de l'Adour .
La production
est donc irrégulière, liée aux calamités naturelles ou accidentelles, aux
aléas de la concurrence internationale, aux besoins plus ou moins importants de
la marine royale, aux guerres enfin. Tout cela influe sur les prix.
Il semble
qu'il y ait eu de 1746 à 1776 une stagnation des prix, voire une baisse
sensible. En effet, la Chambre de commerce de Bayonne constate en 1777 (70) que
si le rapport de valeur entre le bray gras et le seigle s'établissait entre
1746 et 1757 à 5 ou 6 barils pour un cas de seigle, il n'était plus que de 8
barils entre 1758 et 1767 et de 10 barils pour un cas entre 1768 et 1777, soit
une valeur de
5 : Les zones de production
On retrouve là
le déplacement vers le Sud que nous avons déjà constaté et que prouve encore un
dépouillement des demandes d'exportation auquel je me suis livré sur la période
janvier 1779 - janvier 1783. Il donne les résultats suivants : 770 tonnes de
bray gras, 247 de goudron et 10.439 de brays et
goudrons
confondus soit 11.456 tonnes en tout ; 1,30% au départ de La Teste (15 tonnes),
2,3 % à celui de Bordeaux (274 tonnes) et 96,31% au départ de Bayonne (11.033
tonnes). Cela en direction essentiellement de l'Espagne (Pasajes, Cadix...)
avec 16 chargements, le reste vers le Portugal (1 chargement), le Danemark et
la Norvège (1 chargement chacun).
La part très
médiocre du port de Bordeaux s'explique par un document de 1758 (71) concernant
la ferme du cas; ce texte précise qu'une augmentation de cette taxe pourrait
pousser les conducteurs à prendre la route de Dax ou de La Teste «où il n'est
payé aucun droit». Il faut ajouter aussi l'éloignement Cal Guillaume Desbiey
nous apprend qu'en 1776 un tiers du prix du goudron arrive à Bordeaux du sud du
Born représente le frais du
charroi (72).
Quant à la forêt de
La Teste, il est difficile d'en cerner la production. Certes grâce à Desbiey
nous possédons une statistique pour les années 1774-1778 (73) mais elle ne
porte que sur les pains de résine et non sur les goudrons. Elle est cependant
intéressante car elle montre l'importance du trafic des résineux au bureau de
La Teste, de ce document, on peut déduire la part de la «montagne de Buch» dont la production
représentait, écrit-il, 1/7° du total
des exportations. Nous savons aussi qu'en 1751 la forêt produisait 1.500
milliers de résine soit 750 tonnes, si bien qu'en se basant sur ces
estimations nous obtenons le tableau suivant :
Le port de La
Teste compte alors une trentaine de négociants et draine une part du trafic
landais, bien que Bordeaux ait reçu 8.173 cas en 1775 (74) soit 6.129 tonnes
de résine (soit 3 fois plus que La Teste) et ce, malgré de faibles envois du
Marensin et du sud du Born (gel doublé d'une épizootie qui a décimé les animaux
de trait (75). Son importance est due aux avantages qu'ont les Testerins quant
au poids des pains de résine (76), ce qui explique l'augmentation des
négociants (multiplication par 10 depuis le début du siècle) et des
armements (42 bateaux de plus de 8
tonneaux entre 1771 et 1791 contre 12 entre 1712 et 1729).
La majorité
des barques se dirigent vers Redon en Bretagne (85%). Les négociants testerins en alimentent les
chantiers de construction navale prospères au XVIII° siècle. L'activité des
ports de la Vilaine comme centres de
construction navale est en effet importante : le port de La Roche-Bernard
vit la création par Richelieu, abbé
commandataire de Redon, d'un arsenal qui lança en 1638 le vaisseau «La
Couronne » prototype de tous les vaisseaux de guerre (77). Mais c'est
surtout à partir de 1746 que l'activité s'y développa comme à Redon: les deux
ports lancent chacun 90 tonneaux de 1714 à 1735 mais de 1746 à 1789, c'est
23.923 tonneaux qui sortent de Redon et 8.266 de La Roche Bernard ; la période
«faste» se situe entre 1747 et 1765 où Redon lance 17.847 tonneaux répartis
ainsi: 5 gabarres de 24 à 100 tonneaux, 14 chasse-marée de 12 à 45 tonneaux, 44
barques de 15 à 60 tonneaux, 12 navires divers de 60 à 350 tonneaux et 10
bateaux non identifiés. 83% furent lancés entre 1747 et 1752 par le
constructeur Jean Danet, l'un d'entre eux, «La Catherine", jaugeant
29 tonneaux, ayant été construit en 1759 pour Arcachon (78). On retrouve aussi
en 1763 une barque de 30 tonneaux appartenant à deux associés, l'un testerin,
Peyjehan, l'autre de Redon, Levecq.
Malheureusement
la part des goudrons dans ce commerce des produits résineux est impossible à
calculer. Cependant le dépouillement de 246 rôles d'armement au départ de La
Teste que j’ai effectué pour la période 1780-1789 (79) permet d'appréhender la
production ou du moins son importance. Il n'est en effet pas possible de calculer
le tonnage car les cargaisons ne sont pas toujours mentionnées, souvent il n'y
a d'autre mention que «chargé de résine, bray ou goudron» mais, sur 286
chargements qualifiés, 13 seulement, soit 4,5 %, précisent l'embarquement de goudron,
60 soit 20,9% l'embarquement de bray gras et 213 soit 74,6% l'embarquement de
résines.
Ces chiffres
confirment donc le déplacement très net de la production de goudrons et bray
gras vers le sud, mais aussi vers l'est puisque Casteljaloux en 1789 produit
400 barriques (80) de goudron soit 200
tonnes, au détriment des montagnes usagères aux superficies qui se réduisent
dans le Buch et le nord du Born.
Ce déplacement
de la production s'accompagne aussi d'un déplacement du trafic dû au prix du
transport. En 1780 (81) de Mont-de-Marsan à Bayonne le quintal revient à 20
sols, par voie fluviale, tandis qu'envoyé à Podensac par voie terrestre il
reviendrait à 70. Il est donc logique qu'en 1789, Dax et Saubusse expédient
vers Bayonne 4.000 barriques de goudron (2.000 tonnes) et que ce port où
arrivent aussi par «voitures» (82) les
goudrons de Labenne et Capbreton, concurrence désormais Bordeaux et la Teste.
Il faut noter
aussi que depuis 1758 (83) les pinhadars de l'élection de Lannes sont protégés,
interdiction étant faite aux producteurs de vendre sans autorisation leurs
pins et aux Basques d’y venir les couper pour les transformer en charbon de
bois.
Cette
répartition géographique des aires de production à la fin du XVIII° siècle est
confirmée par l'enquête administrative sur les Arts et Métiers des communes
landaises en 1789 et en l'An IX (84). Tous les maires ont dû répondre à un
questionnaire dont nous avons extrait, pour les territoires concernés par notre
étude, le nombre de résiniers et de fabricants de goudron. N’ont été retenues
que les communes dont les réponses étaient positives. Ainsi sont absentes de la
liste les communes qui ont répondu par un état néant :Gastes, Sainte
Eulalie en Born, Aureilhan, Mimizan, Bias, Vieux Boucau, Labenne et Ondres.
Il est
intéressant de noter que les fours à goudron attestés à Lüe en 1711 (85) ne
semblent pas fonctionner et qu'Escource, célébrée par Félix Arnaudin (86)comme
la patrie des goudronniers, ne l'est guère à cette époque. De même les
installations que nous avons recensées sur Sainte Eulalie (8 hourns de gaze suédois) et sur Mimizan
(4), ne fonctionnaient pas ou plus à cette époque
Ce tableau
appelle plusieurs observations :
La diminution
du nombre des gemmeurs, certains maires l'ont signalé, est due à l'importance
des levées de troupe. Ainsi à Magescq en l'an IX signale-t-on 15 apprentis «à
cause de la nouvelle paix».
Les maires de
St-Michel Escalas, Mixe, Messanges précisent que les résiniers travaillent
aussi aux cultures et aux labours; le gemmage est donc une activité
complémentaire. Les chiffres donnés sont donc ceux de tous les «laboureurs»
ce qui relativise l'ampleur de certains. Par contre à Sanguinet et à Parentis
il s'agit bien de résiniers à temps plein. Le maire de Sanguinet dit de ses
onze gemmeurs : «j'entends les hommes qui travaillent les arbres pins et
préparent la résine» et son collègue qui n'en recense que 2 ajoute «tous
les laboureurs cuisent ou préparent une partie de la résine qu'ils ramassent» ;
les deux signalés sont donc bien des «professionnels» qui, comme le
précise l'enquête, « travaillent à préparer la résine ».
Pour les goudrons, il s'agit de ceux qui fabriquent et non des installations. Une certaine confusion s'est établie: l'enquête administrative demandait qu'on note le nombre de «maîtres, compagnons et apprentis». Il s'agissait en effet de recenser des «entreprises» où l'on travaillait à plein temps. Certains maires ne s'y sont pas trompés: celui de Herm déclare «à proprement parler il n'y a point de fabrique de goudron, il est seulement des particuliers qui quelquefois, mais rarement, réunissent des bois périssables de leurs propres pignadas pour en faire, ou des marchands qui achètent des arbres pins; ils en réunissent celui qui est propre à ces matières, font préparer le bois et font ensuite fabriquer le goudron par certains particuliers. Ce sont ordinairement des métayers qui s'occupent de cette fabrication quand le cas arrive, sans en faire profession suivie. Ils ne trouveraient pas à s'en occuper constamment pour y gagner leur vie».
Le maire de
Mézos en Born n'indique pas, non plus, de «faiseurs de goudron». Il s'en
explique en précisant que «chaque propriétaire travaille le bois vieux pour
le bitume». Quant à celui de Biscarrosse, il dit qu'il «n'existe point
de fabrique de goudron dans la commune mais chaque résinier en fait une petite
quantité» ; ici la forêt est usagère, il semble que le goudron soit
abandonné au résinier comme à La Teste. Enfin, le maire de Bias affirme "nous
ne possédons aucun ouvrier».
Dans l'autre
sens, des chiffres qui peuvent nous paraître étonnants comme celui de 72
fabricants à Castets, sont eux aussi relativisés par les maires. Dans cette
commune, il est dit "chaque propriétaire a peu près fabrique son
goudron dans son fourneau».
La production reste ainsi artisanale, utilisant les sous-produits d'une forêt qui semble orientée surtout vers le gemmage. Il n'en reste pas moins vrai que le Marensin a pris d'ores et déjà une place plus importante que le Born; ce qui est normal si l'on considère d'une part l'étendue des forêts, plus importantes que dans le Nord, et les techniques employées, les hourns de gaze. C'est d'ailleurs là que sont relevés de véritables « fabricants» d'essence (5 à Linxe) ou d'huile (1 à Moliets) de térébenthine.
Il n'est
malheureusement pas possible de disposer d'un tel document pour le Pays de
Buch. Peut-être n'a-t-il pas été dressé ou a-t-il été perdu. Force est donc de
se reporter aux recensements effectués sous la Révolution et aux contrats de
mariage des années 1780-1789. Jean Cavignac (87) qui les a étudiés en conclut
que "le secteur forestier apparaît, à la fin du XVlll° siècle, peu
important en soi et surtout par rapport à l'importance économique acquise au
XIX° siècle».
Il trouve en
effet les nombres suivants :
Ces résultats très
incomplets peuvent être confrontés avec l'enquête du 28 mai 1827 (92) qui donne
des superficies en hectares pour les bois :
.
La Teste 918ha (semis) + 4194
(forêt usagère)
.
Gujan
.
Mios
. Biganos
Quant à la
forêt de Salles, attenante à celle de Lugos, Fernand Labatut l'estime à
Ces résultats
confirment, on le voit, la prépondérance en résiniers des forêts de La Teste et
de Lacanau mais ne donnent aucune indication quant aux faiseurs de goudrons. On
peut sans doute supposer que la situation est identique à celle de la Montagne
de Biscarrosse.
En fin de
siècle, la production toujours artisanale des goudrons et brays gras acquiert
cependant une notoriété nationale ; elle est l'objet des attentions de
l'Encyclopédie en 1778, du Dictionnaire universel de l'Agriculture en 1787 et
même d'un sujet de concours de l'Académie des Sciences Belles-Lettres et Arts
de Bordeaux en 1788 (93). C'est au moment où elle a, pourrait-on dire, acquis
ses lettres de noblesse, qu'elle va pourtant disparaître, au moins sous sa
forme archaïque et traditionnelle de moins en moins adaptée aux exigences de
qualité que réclament les utilisateurs.
CONCLUSION : GOUDRONS LANDAIS OU GOUDRONS DU NORD ?
Durant la
deuxième moitié du XVIII° siècle se posait en effet de manière lancinante la
question suivante: comment obtenir «des goudrons supérieurs à ceux que l'on
tire à grands frais du Nord ? »,
C'est sous la
plume du Contrôleur Général des Finances Bertin (94) que le problème apparaît,
dès le 20 mai 1760 ; il vient en effet de recevoir les propositions du sieur
Dupuy, inspecteur des milices gardes-côtes du Marensin qui signale que, dans
cette région, le bray est fabriqué «avec des matières dont on a extrait
l'huile de térébenthine, qui ne sont pas épurées et dans lesquelles on laisse
souvent des terres et des sables pour les faire peser plus lourd". Il
propose en conséquence d'établir une surveillance, comme sur le marché de Dax,
d'interdire de faire des goudrons en hiver et de tenir la main à ce qu'aucune
coupe ne se fasse sans autorisation, conformément à l'arrêt du 26 février 1738.
Bertin, fort de l'avis du sieur Rostan (que nous avons déjà rencontré en 1725 à
La Teste) s'adresse donc à l'intendant Tourny, lui rappelant l'importance
«de la bonne fabrication du goudron et du bray gras» et celui-ci, le 4
juin, l'assure de son accord sous réserve de celui de l'intendant d'Auch, d'
Estigny, dont dépend le Marensin.
En 1779, c'est au tour de Vergennes (95), ministre des Affaires Etrangères
de Louis XVI, de s'inquiéter de cette question: nous sommes alors en pleine
guerre d'Amérique et les escadres ont besoin de goudrons et de brays gras. Dans
une correspondance du 11 juin, Vergennes informe donc l'intendant Dupré de
Saint-Maur que, suite à un mémoire qu'il lui a adressé sur «les tentatives
de perfectionner la fabrique de goudron», ce document a été remis à
Monsieur de Sainte-Croix, lequel est parti en Suède pour y étudier les procédés
locaux. Vergennes avait été lui-même ambassadeur à Stockholm de 1771 à 1774, ce
qui a dû faciliter les contacts.
Il ne semble pourtant pas que ces initiatives ministérielles aient
réussi à changer la situation locale puisqu'en 1782-83, c'est au tour du curé
de Pontenx (96) dans une correspondance avec un personnage officiel, de faire
état d'une méthode «pour obtenir des goudrons avec de jeunes pins et de
recommander le sieur Flory de Parentis (9 décembre 1782). Son interlocuteur
bordelais lui répond le 8 janvier 1783 qu'il fera faire «les dessins et
mémoires qui indiquent les procédés à suivre dans cette opération telle qu'elle
se pratique dans les endroits du Nord où la manière de faire du goudron a été
la plus perfectionnée" !
C'est encore le Nord qui obsède en 1788 ce correspondant anonyme de
l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux, qui écrit le 12
août (97), qu'il s'occupe depuis quatre ans, soit 1784, des moyens de
perfectionner les fabriques de goudron mais qu'il ne peut présenter ses
conclusions, la limite du concours étant dépassée depuis le 1° avril. Il
suggère que ce sujet, dont lui a parlé un ami (et qui ne figure pas dans la
liste des sujets mis au concours entre 1714 et 1791 !), sur «les moyens de
tirer les Landes de Guyenne le goudron le plus propre aux usages auxquels il
est destiné », soit remplacé par le sujet suivant: «des moyens de
tirer des pins de Guyenne un goudron aussi parfait que ceux du Nord et
particulièrement de Suède". Se méfiant des fraudeurs ou des
concurrents indélicats il demande que les mémoires soient accompagnés
d'échantillons attestés par le juge et le curé et que les «barils soient
enfermés dans une double futaille cordée et cachetée", afin que
l'Académie soit certaine de ne recevoir que des goudrons des Landes !
La concurrence est en effet vive parmi tous ceux qui se préoccupent du
problème puisqu'il s'agit souvent d'obtenir des monopoles quant à la fourniture
des arsenaux royaux, gros consommateurs. Ainsi, en 1783, une expérience eut
lieu sur le port de Bayonne, sous la surveillance de son directeur, M. Tanguy,
afin de tester l'impact respectif des goudrons du Nord et des Landes sur les
cordes de chanvre.
Cette expérience est rapportée en 1815 par le secrétaire général de la
Préfecture des Landes, Tassin (98), qui depuis 1804 défend les procédés
employés dans le Marensin pour fabriquer le goudron; il indique que le procédé
de 1783 fut mis au point par MM. Besincam et L'Hôpital. Sous la Révolution et
l'Empire, il semble en effet que les blocus maritimes qui gênent le commerce
international aient eu pour conséquence de relancer l'intérêt pour les goudrons
locaux; ainsi depuis 1800, si l'on en croit ses dires en 1815, Badeigts de la
Borde (99), qui fut commissaire de la Marine à Bayonne, travaille sur les
procédés d'épuration des goudrons: il dépose un brevet en 1815 et passe avec
succès l'épreuve des commissions techniques de Rochefort en janvier et mai
1816. Citons aussi Thore, médecin-chef de l'hôpital de Dax qui, dans ses «Promenades
au bord du Golfe de Gascogne» en 1810, décrit toutes les techniques de
production. Tassin le cite d'ailleurs, comme il le fait pour Badeigts de La
Borde, et s'il ne le dit pas, il a eu entre les mains les dossiers de l'abbé Louis
Mathieu Desbiey dont quelques feuillets sont conservés à Bordeaux.
Depuis longtemps l'abbé et son frère Guillaume, dans son «Mémoire sur
la meilleure manière de tirer parti des Landes de Bordeaux» primé en 1776
(100), s'étaient préoccupés des goudrons, ne cessant d'en souligner l'utilité
et la nécessité d’en développer la production.
Dans un fragment de lettre que j’estime de 1786, intitulée «Observations sur les brays et goudrons
du Nord » (101), l'abbé Louis Mathieu précise en effet que «depuis
quelques années les goudrons du Nord ne font pas sensation dans cette province
car l'écoulement (la vente) d'une cargaison importée demande 12 à 15 mois
pendant lesquels les frais s'accumulent ce qui, malgré leur prix qui a baissé
de 50% depuis la fin de la guerre d'Amérique, les rend peu compétitif »; il
conclut « tout cela démontre que nous pourrions nous passer des goudrons
étrangers si nos Landes étaient encouragées à fabriquer leur goudron avec un
peu plus de soin».
Plus tard en 1810, après son exil en Espagne, il envoie au Préfet des
Landes Duplantier les documents qu'il détient sur la question car «n'étant
plus en âge, (il a 56 ans), ni en état d'utiliser aucune des données qui
pourraient se trouver dans les recueils», il préfère «les déposer dans
les mains d'un magistrat tout occupé au bien de ses administrés». Dans ces
documents qu'il transmet, se trouve en particulier «une feuille sur laquelle
il a fait dessiner le plan des fours à goudron que les Suédois envoyés par M.
de Colbert firent exécuter au Sanglarin,
dans les pins de M. de Caupos, situés dans la Montagne de sable qui est entre
La Teste et Cazaux, et dans les pins de M. de Coussou, son grand père
maternel, juge de Linxe en Marensin, lesquels pins se trouvent sur les
bornes des paroisses de Linxe et de Saint-Girons en 1663» .
Outre l'emplacement de ces premiers fours suédois, que nous avons
d’ailleurs retrouvé, Desbiey précise «que la forme et l'usage de ces fours
s'est conservée dans les pays de Born, de Marensin et de Maremne, et n'est plus
en usage dans les Montagnes de La Teste ni de Biscarrosse».
Le dessin de
la main de Desbiey correspond beaucoup mieux à la réalité confirmée par nos
recherches archéologiques, que celui de Monsieur de La Montaigne (document
précédent) qui a manifestement mal interprété l’original.
Il semble en
effet qu'il y ait à cette époque deux aires de production. L'une utilise ce que nous appelons des fours
traditionnels dans les Montagnes de La Teste et de Biscarrosse, Desbiey
l'étendant à Sainte-Eulalie, SaintPaul et Mimizan, ce que nos recherches n'ont
pas confirmé, car nous n’y avons trouvé que des fours suédois. L'autre, qui
correspond au sud du Born, au Marensin et au pays de Maremne, utilisant les
fours suédois, les hourns de gaze, plus «modernes».
Cependant en
cette fin du XVIII° siècle, ni les uns ni les autres ne donnent satisfaction et
ne permettent de répondre en totalité aux besoins de la Marine. Cela est dû
souvent, nous l'avons expliqué, à des causes humaines, mais les techniques
employées ont une grande part de responsabilité.
Robert
AUFAN -Juin 2004-
1- J. Lombard,
Procès verbal de visite, 1672.
2- Il s'agit
de la parcelle de « Sanglarine », à «une lieue d'un meschant village appelé
Cazaux». Une dune porta le nom de Sanglarin (le serpent) à l'ouest de
l'actuelle parcelle des «Deux Hourns».
3- AD gironde.
Jésuites. Collège 121 3 mars 1639.
4- Sentence
arbitrale de l’an 2 sur la forêt usagère de La Teste
5- Loirette, A
l' origine d'une vieille industrie landaise : la Manufacture Royale de
Goudrons, 1960, B.M. Bordeaux Br 11.909.
6- Desbiey,
Fonds Delpit, AM Bordeaux M 612
7-
Correspondance administrative de Colbert, Tome 3, Fonds Depping et Documents
pour l'Histoire de l' Aquitaine, p.
239.
8- F. Lebrun, Le
XVll° siècle, Armand Colin, 1967, p. 255.
9- René
Memain, La marine de guerre sous Louis XIV - Paris 1937
10- A.N.
Marine G no 2 bis, cité par R. Mémain, La Marine de guerre sous Louis XN
Il faut noter
que la faiblesse de ces réserves est due à la crainte des incendies
11- Mémoire du
sieur Martin, AN B 355 - 15 avril 1686
12- Ch. Huetz de Lemps, Géographie du
commerce de Bordeaux..., op. cit.
13- Jacques Bernard, op.cit., p.49.
14- A.N. B 3.122 Marine, f° 396.
15- Ourles: partie très résineuse du pin
située entre deux carres très rapprochées.
16- Déclaration Royale sur Guienne et Béarn,
Chantilly 22 juin 1725.
16bis- A.D. Gironde, C 3.686, Note sur les
propositions du sieur Dupuy, Inspecteur des milices garde-côtes du Marensin.
17- ibid., Lettre des négociants de
Bayonne à M. de Clugny.
18- Ordonnance de d'Aguesseau - ADG C 3671
19- Registres du Conseil Municipal de La
Teste.
20-Bayonne, HH 202 cité par Laroquette, 1924.
21- Ch. Huetz de Lemps, op.cit.
22- Bayonne, HH 202 cité par Laroquette, 1924.
23- Enquête de J.B. Colbert de Seignelay,
Archives de la Chambre de Commerce de Dunkerque (HSB 19,
f°
262-267) cité par R. RiChard, Bulletin de la Société des Sciences,
Lettres et Arts de Bayonne, 1983.
24- A.N. Marine D 327 Bayonne (21 décembre
1701)
25- A.D. Gironde, C 3671 (5 novembre 1751),
requête à M. de Toumy des habitants propriétaires de La Teste.
26- A.D. Gironde, 3 E
2.967, Peyjehan notaire.
27- A. Rebsomen, Recherches sur les
relations commerciales entre la France et la Suède, 1920, B.M. Bordeaux, BR
1552.
28- P. Butel, Les négociants bordelais au
XVIII° siècle, ColI. Aubier. 1974 p. 51.
29- F. Michel, op. cit.
30- Ch. Huetz de Lemps, op. cit.
31- P. Cuzacq, Prix des matières résineuses
sur le marché de Dax, 1901, Société de Borda p. 249 à 270.
32- Calculs effectués d'après les documents
publiés par M. Boyé, bulletin de la S.H.A.A. n° 35, 1983.
33- P. Butel, Les négociants bordelais au
XVlll° siècle, 1974
34- Histoire de Bordeaux, op. cit. tome V,
p. 224.
35- A.D. Gironde, C 1.640 (lettre du 10 juillet
1779)
36- Ibid, C 2.920/I, Mémoire du subdélégué
de Bazas.
37-Ibid, C
94, Rapport de Roche de Crassé, commissaire aux classes de La Teste (état des
brais chargés pour l'Angleterre)
38- Ibid, C 3.686, Correspondances de
Brun aîné, négociant à Bordeaux.
39-Histoire de
Bordeaux, tome V, Bordeaux au XVIII°siècle,
Bordeaux, p. 278.
40-Archives de
la Marine à Rochefort. Matricule des bâtiments de commerce, 12 P 2.
41-Rostan, op.cit.
42- A.D. Gironde, C 4.207, f° 203 à
206.
43- Ibid. C 3.686, lettre du 11 octobre
1709 (Pontchartrain à de Courson).
44- J. Boisredon, Enquête sur le sud-ouest
landais au XvlII°siècle Borda 1910-1911.
45- A.D. Gironde, M 16, Lettre des habitants
de La Teste sur la tempête du 11 frimaire.
46- Registre du Conseil Municipal de La Teste
(28 mars 1822).
47- B.N. Manuscrits Français 11.376, lettre du
22 août 1716.
48- P.J. Lacoste, 1943, op.
cit.
49- A.D. Gironde, C 3.671 (6 mai 1752)
50- Ibid
C 3.672.
51- Ibid, C 4.679.
52- Ibid, C 3.672, lettre du 31 juillet
1739.
53- A.D. Gironde, C
1.340.
54- Ibid, C 3.671, lettre du 6 mai
1752.
55- Ibid, C 2.688, Montant des tailles
1750-1758.
56- B.M. Arcachon, 4 août
1780.
57- A.D. Landes, décret du 15 octobre 1810
(installations classées).
58- Lettre de Lombard à Colbert (21 juin
1669), correspondance administrative sous le règne de Louis
XIV, Fonds Depping T 3.
59-C.Masse, Mémoire sur le Pays de Buch (
« Luche » = Lugos), 1708, Bibliothèque de l' Arsenal.
60- Rostan,
A.N. Marine, D 250.
61- A.N.
Marine. B 3- 64. Mémoire de De La Boulaye 1.7.1691.
62- 1862,
Rapport de 3 géomètres, Procès: Etat contre Marcellus aimablement communiqué
par M Lalanne
(C.R.E.S.S.)
33- Masse, op.cit.
64- Abbé Baurein, op.cit.
65- Archives
de l'Archevêché, G 659, lettre de Laville curé de St Michel de Bias en Born.
66- A.D. Gironde, C 281, lettre de M. de
Marbottin.
67- Archives de l'Archevêché, G 659, supplique de
Perny, vicaire de Mimizan.
68- Tassin, Rapport de 1808.
69- R.Aufan in La dune du Pilat et le Pays de
Buch, p. 119, Arpège, 1983.
70-A.D.
Gironde, C 1640 (24 septembre 1777)
71- A.D. Gironde,
C 2.391.
72- G. Desbiey, Mémoire sur la meilleure
manière de tirer parti des landes de Bordeaux, B.M. Arcachon, p.11.
73- Bail de Laurent David, lettre de G. Desbiey
du 21.12.1779, A.M. Bordeaux, Fonds Delpit Ms 132.
74- G.Desbieyop.cit.
75- A.D. Gironde, C 1.640, lettre de Dupré de
Saint-Maur du 16 avri11777.
76- Cf.suprap.24
77- Maurice
Perrais, Le Port de La Roche Bernard in «Le raicard», 1986.
78- Archives de
l'Amirauté de Vannes, Série 9 B. Informations aimablement communiquées par Mme
Beauchesne (Musée de la Vilaine maritime à La Roche Bernard).
79- Archives de la Marine, Rochefort. RÔles
d'armement au cabotage, 12 P 3.
80- Albert Laroquette, Les landes et la forêt
de Gascogne, 1924.
81- Ibid.
82- A.D. Gironde, C 3.686 (lettre des négociants
de Bayonne).
83- Arrêt Phelippeaux, 22.2.1758 cité par J.
Beauredon, Borda, 1911.
84- A.D. Landes,
85- Archives privées.
86- F. Arnaudin, La chanson des communes, carnets
de voyage, 1897-1920.
87- Jean Cavignac, Le Bassin d'Arcachon à la
fin du XVlll° siècle, Arcachon et le Val de l'Eyre, F.H.S,O, Bordeaux 1977.
88- A.D. Gironde,
89- Conversion
d'après Brémontier, Tableau des anciennes mesures du département de la Gironde
à Salles, donc
vraisemblablement à Mios, I journal = 23,2932 ares.
de Lège à
Biganos, 1 journal = 28,6278 ares.
90- Contrats
de mariage, J. Cavignac, op. cit., note 129
91- Recensement de l'an IV, J. Cavignac, op.
cit., note 129
92- A.D. Gironde,
93-B.M.
Bordeaux, Manuscrits, 828 XX1-92.
94- A.D. Gironde,
C 3.286.
95- A.D. Gironde,
C 202.
96- A.D. Gironde, C 3.686, correspondance du curé
de Pontenx.
97- B.M. Bordeaux, Manuscrits 828 XX1-92.
98- Tassin, op.
cit.
99- Badeigts de la Borde, op.cit.
100- Guillaume
Desbiey, op.cit
101-Abbé
Desbiey, Fonds Delpit, A.M. Bordeaux
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